La naissance et la lignée d'Aboû Hanîfa

Publié le par ecole-hanafite

 

 

Selon la plupart des sources Aboû Hanîfa est né à Koûfa en l'an 80 de l'Hégire. Même s'il y a un accord quasi total sur le sujet, il y a une source qui situe sa naissance en 61 de l'Hégire, mais cela ne correspond pas avec les événements de sa vie, puisqu'il est certain qu'il ne décéda pas avant l'an 150 de l'Hégire. La plupart affirment qu'il décéda après qu'Al-Mansoûr instaurât l'inquisition. S'il était né en 61 de l'Hégire, il aurait eu 90 ans à cette époque.

 

Son père se nommait Thâbit Ibn Zawtî al-Fârisî, un Persan.

Son grand père faisait partie du peuple de Kabil qui fut capturé durant la conquête de la région par les Arabes. Il fut réduit en esclavage par un membre de la tribu des Banoû Taym et puis libéré. Il dépendait donc de cette tribu, et ainsi il était Taymi par affiliation ou alliance. Cette information nous est parvenu par le petit-fils d'Aboû Hanîfa, 'Oumar Ibn Hammâd, mais Ismâ'il, le frère de 'Oumar, dit qu'Aboû Hanîfa était An-Nou'mân Ibn Thâbit Ibn an-Nou'mân Ibn Al-Marzbân. Il dit : "Par Allâh ! Nous n'avons jamais été esclaves."

 

Ainsi, ses petits-fils ne sont pas d'accord sur sa lignée. L'un dit que son grand-père s'appelait Zawtî et l'autre que son nom était An-Nou'mân. L'un dit qu'il a été capturé et fait esclave et l'autre nie complètement ce fait. L'auteur de Al-Khayrât al-Hisân combina les deux versions, affirmant que le grand père avait deux noms, Zawtî et An-Nou'mân. Il nia l'asservissement. Le présent ouvrage retiendra les deux noms mais pas l'esclavagisme, car la deuxième version l'exclut totalement.

 

Il me semble probable qu'il ait été capturé durant la conquête, mais qu'il bénéficia de clémence. En effet, les musulmans avaient pour coutume de se montrer magnanimes envers certaines importantes personnes dans les pays conquis, afins qu'ils puissent maintenir leur position et leur importance en Islam et afin de gagner leur coeur ainsi que ceux de leurs enfants.

 

Des sources fiables affirment qu'il était Persan et non Arabe ou Babylonien. Que son grand-père ait été fait esclave ou pas, lui et son père nacquirent libres ! Dans tous les cas, le fait qu'il ait été un affranchi, ne diminue en rien sa valeur. Les principaux représentants du fiqh qu'Aboû Hanîfa rencontra à l'époque des tâbi'oûn et de qui il avait déduit le fiqh étaient des clients (c.à.d: personne non arabe et affranchie ou s'étant placée sous la protection d'un patron, mécène, ou d'une tribu), des tributs, plutôt que des Arabes. La plupart des fouqahâ' à l'époque des tabi'oûn et bien évidemment les générations qui suivirent étaient des affranchis.

 

Dans le Al-'Iqd al-Farîd, Ibn 'Abdou Rabbih dit :

 

Ibn Abî Laylâ dit : "'Isâ Ibn Moûsâ un homme religieux et sectateur me demanda : "Qui est le faqih d'Iraq ?"

 

Je répondis : "Al-Hasan Ibn Al-Hasan al-Basrî."

 

"Et puis qui ?"


Je dis : "Mouhammad Ibn Sîrîn."

 

"Qui sont ces deux personnes ?" demanda-t-il.

 

Je répondis : "Deux clients."

 

"Qui est le faqîh de la Mecque ?", lui demanda-t-il.

 

"'Atâ Ibn Abî Rabâh, Moujâhid, Sa'îd Ibn Joubayr ou Salmân Ibn Yasâr", lui répondis-je.

 

"Qui sont-ils ?"

 

"Des clients."

 

"Qui sont les fouqahâ" de Médine ?"

 

"Zayd Ibn Aslam, Mouhammad Ibn Al-Mounkadir et Noujayh Ibn Abî Noujayh", lui répondis-je.

 

"Qui sont-ils ?"

 

"Des clients."

 

Son visage changea de couleur. Puis il demanda : "Qui, des gens de Qoubâ' connait le plus le fiqh ?"

 

"Rabi'at ar-ra'y et Ibn Abî Az-Zinâd", répondis-je.

 

"Qui sont ils ?"

 

"Des clients."

 

Il prit un air renfrogné et demanda alors : "Qui est le faqîh du Yémen ?"

 

"Tawoûs, son fils et Ibn Mounabbah", lui répondis-je.

 

"Qui sont-ils ?"

 

"Egalement des clients."

 

Ses veines affleurèrent et il se leva. " Qui est le faqîh de Khourâsân ?"

 

"'Ata' Ibn 'Abd Allâh al-Khourasânî."

 

"Qui est ce 'Ata' ?"

 

"Un client", dis-je.

 

Son renfrognement s'aggrava et il me fixa jusqu'à ce que je prenne peur. Puis, il dit : "Qui est le faqîh de Syrie ?"

 

"Makhoul", lui répondis-je.

 

"Qui est ce Makhoul ?"

 

"Un client" dis-je.

 

Il commença à respirer fortement et demanda alors : "Qui est le faqîh de Koûfa ?"

 

Par Allâh, si ce n'était par peur de lui, je lui aurais dis : "Al-Hâkim Ibn 'Outba et Hammâd Ibn Abî Soulaymân", mais vu son état violent, je répondis : "An-Nakha'î et Ach-Cha'bi."

 

"Qui sont-ils ?" demanda-t-il.

 

"Deux arabes", répondis-je.

 

"Allâh est Le Plus Grand !" s'exclama-t-il et il se calma.

 

Il y a d'autres transmissions semblables qui proviennent d'autres sources et qui indiquent que, durant l'enfance d'Aboû Hanîfa, c'était surtout les clients qui étaient dépositaires de la connaissance. Comme ils ne tiraient aucun renom du lignage, Allâh leur donna la renommée de la connaissance, chose plus pure et durable. Ceci montre la véracité de la prophétie du Messager d'Allâh, qu'Allâh le bénisse et lui accorde la paix, qui dit que la connaissance se trouvera parmi les fils de la Perse comme le rapportent Al-Boukhârî, Mouslim, Ach-Chîrâzî et At-Tabarânî : "Si la connaissance était suspendue aux Pléiades, certains persans l'acquerraient quand même."

 

Avant d'approfondir la lignée d'Aboû Hanîfa, nous devrions peut-être d'abord nous demander pourquoi, à l'époque omeyyade, la connaissance était plutôt répandue chez les clients.

Il y avait à cela plusieurs raisons :

 

  • A l'époque omeyyade, les arabes avaient l'autorité et le pouvoir; ils allaient en guerre et menaient des expéditions. Tout cela les détournait des études et de l'apprentissage. Par contre, les clients étaient libres d'étudier, d'analyser et d'enquêter. Se rendant compte qu'ils manquaient de pouvoir, ils souhaitèrent obtenir les honneurs par un moyen en leur possession : la connaissance. La privation sociale peut mener à l'excellence, aux hautes aspirations et aux admirables actions, et en effet, cela a mené ces clients à maîtriser la vie intellectuelle de l'Islam alors que les Arabes étaient politiquement et économiquement dominants.
  • Les Compagnons (qu'Allâh soit satisfait d'eux) passèrent beaucoup de temps avec les clients (al mawâlî). Ils étaient en leur présence du matin au soir de sorte, qu'ils furent capables d'apprendre des Compagnons ce que ces derniers avaient appris du Messager, qu'Allâh le bénisse et lui accorde la paix. Quand l'ère des Compagnons prit fin, ils devinrent les dépositaires de la connaissance après eux et c'est la raison pour laquelle la plupart des grands Tâbi'oûn furent des clients (mawâlî).
  • Al mawâlî descendaient, pour la plupart, d'anciennes civilisations dont les cultures et les sciences étaient développées. Ceci eut une influence sur la formation de leurs pensées et l'orientation de leurs activités et en effet, parfois sur leur croyance. La ferveur dans la connaissance faisait partie de leur nature.
  • Les arabes n'étaient pas des gens portés sur les arts et l'apprentissage; et lorsque quelqu'un se consacre à la connaissance, cela devient un art. Ibn Khaldoûn a longuement développé ce sujet.

 

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